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Semaine sainte

La Semaine Sainte clôt le Carême. Elle s'ouvre avec le dimanche des Rameaux et se termine par le Triduum pascal.

Moment fort de prière à l'abbaye, elle est LA semaine de l'année la plus dense du point de vue liturgique. Elle contribue aussi à nous nourrir toute l'année en nous donnant de méditer le mystère d'amour de Dieu pour la Création.

Le lundi saint - souvent retenu comme jour de la messe chrismale à Périgueux - est l'occasion d'un lien spirituel plus fort avec les prêtres de notre diocèse. Le mardi est le jour de prière pour les chrétiens persécutés: nous le marquons généralement par un temps de silence à midi. Le jeudi saint - jour de la célébration de la Cène - est un jour joyeux, festif, qui rompt déjà un peu avec la grande sobriété du Carême. Puis commence le Triduum avec le Vendredi saint, jour de silence et de jeûne où nous vivons la célébration de la Croix, le Samedi saint - ce jour souvent méconnu, jour d'attente et d'espérance, jour de vide  - qui s'ouvre sur l'aube de Pâques.

 

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Méditation du Jeudi Saint

Et le Verbe s’est fait frère...

Il m’a aimé jusqu’à l’extrême, l’extrême de moi, l’extrême de lui...
Il m’a aimé à sa façon qui n’est pas la mienne.
Il m’a aimé gracieusement, gratuitement ...j’aurais peut-être aimé que çà soit plus discret, moins solennel.
Il m’a aimé comme je ne sais pas aimer : cette simplicité, cet oubli de soi, ce service humble et non gratifiant, sans aucun amour propre.
Il m’a aimé avec l’autorité bienveillante mais incontournable d’un père, et aussi avec la tendresse indulgente et pas très rassurée d’une mère.

J’étais blessé au talon par l’ennemi commun, et le voilà à mes pieds : ne crains rien, tout est pur. Comme Pierre, j’ai honte : il m’est arrivé, à moi aussi, de trébucher à sa suite, et même de lever le talon contre lui car il y a un peu de Judas en moi, et j’ai bien envie de chercher refuge dans la nuit quand la Lumière est là, fouillant mes ténèbres. Par bonheur, il ne regarde que mes pieds, et mes yeux peuvent fuir.
L’eau qu’il a versée va-t-elle réussir à me faire pleurer ?

Moi qui rêvais de l’amour comme d’une fusion de moi en Lui, c’est une transfusion qu’il me faut : son sang dans mon sang, sa chair dans ma chair, son Coeur dans le mien, présence réelle d’homme marchant en présence du Père.
Pauvreté, chasteté, obéissance, retrouver en moi un fils de complaisance.
Hélas ! L’amour se dévoilait, et déjà il m’échappe. Il était là, à mes pieds je n’ai pu le retenir.
Le voilà qui passe aux pieds du voisin, de la voisine, et de Judas lui-même, de tous ceux-là dont on ne sait s’ils sont disciples en vérité, et qu’il m’a fallu accepter ; c’était le prix à payer pour rester avec Lui, et pour avoir droit, ce soir, au pain et à la coupe.
Il a aimé les siens jusqu’à l’extrême, tous les siens, ils sont tous à lui, chacun comme unique, une multitude d’uniques.
Dieu a tant aimé les hommes qu’Il leur a donné son Unique : et le Verbe s’est fait FRERE, frère d’Abel et aussi de Caïn, frère d’Isaac et d’Ismaël à la fois, frère de Joseph et des onze autres qui le vendirent, frère de la plaine et frère de la montagne, frère de Pierre, de Judas et de l’un et l’autre en moi.

L’Heure est venue pour Dieu d’apprendre ce qu’il en coûte d’entrer en fraternité. Fils unique il est venu (d’auprès de Dieu). frère à l’infini des hommes, il s’en retourne auprès de Dieu, entraînant la multitude jusqu’à l’extrême de l’Unique.
C’est un exemple que je vous ai donné la leçon de choses est là, sur la table, avec ce pain et cette coupe à partager, mais le livre du Maître, c’est ce geste de serviteur cœur et corps livrés, là, de pieds en pieds, de frère en frère, pour graver la mémoire.
" Mon frère et ma sœur, et ma mère, ce sont ceux-là qui feront, aux plus petits de mes frères, ce que je vous ai fait là".
Rien de plus pur désormais qu’une multitude de frères s’aimant de proche en proche jusqu’à l’extrême de la patience et de la compassion, afin qu’aucun ne se perde de ceux que JESUS, notre frère, offre ce soir à son Père comme son propre Corps et son propre Sang.

Christian de Chergé, prieur de Tibhirine
Homélie du Jeudi Saint 1995

Le dimanche des Rameaux médité par les Pères cisterciens

Le dimanche des Rameaux médité par Guerric d'Igny

"L'enfer et la mort peuvent bien pleurer: l'un a été mordu, l'autre est morte; les cieux, eux, se réjouissent et l'Eglise exulte de ce que le Christ dépouille l'enfer et triomphe de la mort! Par la conversion de ces nouveaux venus, il a en effet renouvelé le triomphe de sa Passion, fait revivre les miracles de sa Croix. En eux, la croix a refleuri ; aujourd'hui encore, l'arbre de vie a porté ce fruit précieux. Comment en effet la croix pourrait-elle rester stérile, quand le sang du Sauveur l'a non seulement arrosée, mais rendue vivifiante? Non, il ne se repentira pas d'être monté à ce palmier, maintenant qu'il y a cueilli un fruit si abondant et si précieux."

Guerric d'IgnyDeuxième sermon pour les Rameaux, in Sermons, t.2, Cerf, 1973

 

"C'est sous deux aspects bien différents que la fête d'aujourd'hui présente aux enfants des hommes le Désiré de notre âme, le plus beau des enfants des hommes. Sous l'un et l'autre aspect, il est un digne spectacle; sous l'un et l'autre il est désirable et aimable; car en l'un et l'autre il est le Sauveur des hommes. Et cependant sous l'un il est sublime, sous l'autre il est humble; sous l'un il est glorieux, sous l'autre douloureux; sous l'un il est vénérable, sous l'autre misérable. Si toutefois on doit appeler misérable celui qui a pris sur lui la misère par commisération, afin de procurer, au prix de sa propre misère, la miséricorde aux misérables, non afin de solliciter la miséricorde auprès des misérables, quand il est lui-même sa propre béatitude! C'est donc là où il voulut paraître digne de commisération qu'il devint davantage objet de vénération. [...]

Si donc, on considère à la fois la procession de ce jour et la Passion, Jésus apparaît bien sublime et glorieux d'une part, humilié et douloureux de l'autre. La procession fait en effet penser à l'honneur réservé aux rois ; la Passion met sous nos yeux la peine réservée au brigant. Ici la gloire et l'honneur l'environnent; là il n'a ni forme ni beauté."

Guerric d'IgnyTroisième sermon pour les Rameauxin Sermons, t.2, Cerf, 1973

 

Une méditation du vendredi Saint par le P. Christian

L'obéissance de Jésus

"Il était l'oreille qui donne au Verbe sa consistance, son audience. Il était l'image qui crée la ressemblance. Il était la Vérité qui rend libres ceux qui la font. Il avait la docilité de l'agneau, et l'assurance du pasteur qui sait le chemin. L'obéissance, c'était sa vie. Comment imaginer qu'il ait pu en mourir?

Alors, Père, pourquoi nous laisser croire qu'il a appris l'obéissance? Il n'était vraiment que cela parmi nous: obéissance aux Ecritures, c'est clair, mais aussi aux évènements, et aux hommes qui en auront fait ce qu'ils ont voulu...

Il y a eu, pour l'accueillir en ce monde, ce premier OUI que Marie lui empruntait par avance... Et tu l'auras entendu, ce OUI de l'agonie désolée, offert à ta volonté plus loin que la sienne.

Il y a encore ce pauvre OUI si hésitant que nous essayons de dire parce qu'il nous l'a appris quand nous cherchions à prier comme il faut: "Que Ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel!"

Mais ce que tu ne savais pas, Père, tu l'apprends maintenant en contemplant la Croix avec la même stupeur que nous: c'est cela que l'obéissance est devenue entre nos mains depuis que tu nous l'as confiée."

P. Christian de Chergé, Prieur de Tibhirine

Extrait de son homélie pour le Vendredi saint 1995, in L'invincible espérance, Bayard