« Ma colombe est dans les trous de la pierre, elle est dans les creux de la muraille » (Cant. II, 14).
Quelqu'un a entendu par les trous de la pierre, les plaies de Jésus-Christ, et avec grande raison. Car Jésus-Christ est la pierre mystique. Ces trous sont excellents puisqu'ils établissent la foi en la résurrection et la divinité de Jésus-Christ. " Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu (Joan. X, 28), " disait un apôtre. D'où cet oracle est-il sorti, sinon des trous de la pierre? C'est là que le passereau a trouvé une retraite, et la tourterelle un nid pour mettre ses petits (Ps LXXXIII, 3). C'est là que la colombe se met en sûreté, et regarde sans crainte l'oiseau de proie qui vole à l'entour. Et voilà pourquoi il dit, " ma colombe est dans les trous de la pierre (Ps XXVI, 6), et la colombe reprend, il m'a fait monter dans la pierre (Ps XXXIX, 3). Et encore, il a établi mes pieds sur la pierre (Mt VII, 24). " Un homme sage bâtit sa maison sur la pierre, parce que là il ne craint ni la violence des vents, ni les inondations. Quels avantages ne se trouvent point dans la pierre ? C'est sur la pierre que je suis élevé, dans la pierre que je suis en sûreté, et dans la pierre que je demeure ferme. J'y suis à couvert contre l'ennemi, j'y suis en sûreté contre toute sorte d'accidents, et cela, parce que je suis élevé au dessus de la terre. Car tout ce qui est terrestre est incertain et sujet à périr, que notre vie soit dans les cieux, et nous ne craindrons ni de tomber ni d'être ébranlés. C'est dans les cieux qu'est la pierre, et c'est en elle que se trouvent la fermeté et la sécurité.
Et, en effet, où notre faiblesse peut-elle trouver un repos ferme et assuré, sinon dans les plaies du Sauveur? Je demeure là avec d'autant plus de confiance, qu'il est plus puissant pour me sauver. Le monde frémit, le corps m'accable, le diable me tend des piéges, et cependant je ne tombe point, parce que je suis établi sur la pierre ferme. J'ai commis une grande faute, ma conscience en est troublée, mais je ne rue désespère point, parce que je me souviens des plaies de mon Seigneur. Car il a été percé de blessures pour nos péchés (Is VIII, 5). Qu'y a-t-il de si mortel, qui ne soit guéri par la mort de Jésus? Lors donc que je pense à un remède si efficace, nulle maladie quelque maligne qu'elle soit, ne me saurait épouvanter.
Par où l'on voit clairement que celui qui disait : " Mon péché est trop grand pour mériter que Dieu me le pardonne" se trompait étrangement (Gn IV, 13), à moins qu'on ne dise qu'il n'était pas des membres de Jésus-Christ, que les mérites de Jésus-Christ ne lui appartenaient pas, qu'il ne pouvait les regarder comme son bien, ni s'attribuer les mérites de son chef ainsi qu'un membre peut réclamer comme sien ce qui est à son chef. Mais pour moi, ce que je ne trouve pas en moi, je le prends avec confiance dans les entrailles du Sauveur, parce qu'elles sont toutes pleines d'amour et qu'il y a assez d'ouvertures dans son corps sacré, par où elles peuvent se répandre. Ils ont percé de clous ses mains et ses pieds, et son côté d'une lance; et par ces ouvertures, je puis sucer le miel de la pierre, et goûter l'huile de ce dur caillou, c'est-à-dire goûter et voir combien le Seigneur est doux. Il formait en cet état des pensées de paix, et je n'en savais rien. Car qui connaît les desseins du Seigneur, ou qui a jamais eu part à ces conseils? Mais ces clous dont il a été percé, sont devenus pour moi comme des clefs, qui m'ont ouvert le trésor de ses secrets et fait voir la volonté du Seigneur. Et pourquoi ne la verrais-je pas au travers de ses plaies? Ses clous et ses blessures crient hautement que Dieu est vraiment en Jésus-Christ et qu'il y réconcilie le monde avec lui-même. Ce fer a traversé son âme et touché son coeur, afin qu'il sût compatir à mes infirmités. Le secret de son coeur se voit par les ouvertures de son corps, on voit le grand mystère de sa bonté infinie, les entrailles de la miséricorde de notre Dieu par laquelle ce soleil levant nous est venu visiter du ciel. Pourquoi ses entrailles ne se verraient-elles pas par ses plaies? Car, comment, Seigneur, pouviez-vous faire éclater davantage l'excès de votre bonté et de votre miséricorde, que par ces blessures cruelles que vous avez souffertes pour nous? Personne ne peut donner de plus grandes preuves de sa charité, que d'exposer sa vie pour ceux qui sont destinés et condamnés à la mort.
La miséricorde du Seigneur est donc la matière de mes mérites. J'en aurai toujours tant qu'il daignera avoir de la compassion pour moi. Et ils seront abondants si les miséricordes sont abondantes. Je me sens coupable de plusieurs péchés, il est vrai, mais la grâce a surabondé où le péché abondait auparavant (Rm V, 20). Si les miséricordes du Seigneur sont éternelles pour moi, je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur. (Ps CII, 27 et Ps VXXXVIII, 1).