C’est l’Avent. Si nous réfléchissons à toutes ces vérités, nous constaterons à quel point encore aujourd’hui, et pour nous aussi, l’Avent est d’une actualité brûlante, et c’est une réalité aussi pour l’Église. Dieu n’a pas divisé l’histoire en deux moitiés dont l’une serait claire et l’autre obscure. Il n’a pas partagé les hommes en deux catégories : ceux qu’il aurait rachetés et ceux qu’il aurait oubliés. Il n’y a qu’une seule histoire indivisible qui, dans son ensemble, est marquée par la faiblesse et la médiocrité de l’homme mais qui, dans sa totalité aussi, est soumise à l’amour miséricordieux de Dieu qui enveloppe et porte sans arrêt cette histoire. Notre siècle nous oblige à apprendre de façon toute nouvelle la vérité de l’Avent, à savoir qu’il n’a pas cessé d’exister jusqu’à nos jours ; que l’humanité ne forme qu’un tout devant Dieu ; que toute l’humanité est plongée dans la nuit, mais qu’elle est aussi tout entière illuminée de la lumière de Dieu. Mais, s’il en est ainsi, si l’Avent est une réalité permanente, cela veut dire aussi que, pour aucune période de l’histoire, Dieu n’appartient en quelque sorte à un passé qui serait déjà derrière nous, où tout serait déjà réalisé. Au contraire, pour nous tous, Dieu est l’origine d’où nous provenons, mais également l’avenir vers lequel nous allons ; pour nous tous il n’existe pas d’autre moyen de trouver Dieu que d’aller de l’avant pour le rencontrer, Lui qui vient et qui demande que nous nous mettions en route. Seul cet exode nous permet de trouver Dieu en renonçant à nos commodités présentes, pour avancer vers le mystère de la clarté de Dieu qui vient à nous. L’image de Moïse gravissant la montagne et entrant dans la nuée pour trouver Dieu, reste valable pour tous les temps. Nous ne saurons trouver Dieu-même dans l’Église qu’en gravissant la montagne pour entrer dans la nuée de l’incognito de Dieu qui, dans ce monde, reste caché. Les bergers de Bethléem, au berceau de notre histoire du salut, ont dû suivre le même chemin. L’ange leur dit : “Et ceci vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche”. En d’autres termes : le signe, c’est que les bergers n’en trouveront aucun, mais simplement Dieu devenu Enfant, et malgré le voile, ils devront croire à la proximité de Dieu. Leur signe à eux, c’est d’apprendre à découvrir Dieu dans l’incognito de son mystère.
Certes, Dieu s’est aussi constitué un signe dans la grandeur et la puissance du cosmos, qui nous permettent de soupçonner quelque chose de la puissance du Créateur. Mais le véritable signe choisi par Lui, c’est l’incognito, à commencer par le chétif peuple d’Israël et l’enfant de Bethléem jusqu’à Jésus expirant sur la croix en s’écriant : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?”. Le signe de l’incognito indique que les réalités de la vérité et de l’amour, réalités proprement divines, ne se rencontrent pas dans le monde des quantités, mais dans un ordre nouveau qui les dépasse.
Dans ce temps de l’Avent, demandons donc au Seigneur qu’il nous accorde de vivre de moins en moins “avant” le Christ, et encore moins “après” le Christ, mais avec le Christ et dans le Christ : avec lui qui est le même hier, et aujourd’hui et à jamais.
Un seul Seigneur, une seule foi, p. 24 à 30.